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17 mar. 23

Le logement en eaux troubles

Tribune d'Olivier Lendrevie Président de CAFPI

 

En un an, le retour de l’inflation et le changement radical de régime monétaire qui en découle ont profondément modifié le paysage du crédit immobilier. Le taux hors assurance d’un crédit à 25 ans est ainsi passé de 1,09% en décembre 2021 à 2,48% en décembre 2022 (moyenne des crédits obtenus par CAFPI).

En dépit de leur remontée, ces niveaux de taux restent bas à l’échelle de l’Histoire et bien inférieurs à l’inflation : la demande de crédit demeure soutenue.

L’offre de crédit, elle, s’est considérablement appauvrie. Face à l’impossibilité de répercuter la hausse brutale de leurs coûts de refinancement du fait des retards d’ajustement du taux d’usure, les banques françaises ont choisi de resserrer le robinet du crédit à l’habitat. Selon l’Observatoire Crédit Logement, la production s’est ainsi contractée de - 44,1% au 4ème trimestre 2022. Il s’agit de la plus forte contraction jamais enregistrée, à comparer à - 10% au 2ème trimestre 2020, lors du premier confinement et - 17,3% au 4ème trimestre 2008, au pire de la crise financière de 2008.

Après avoir longtemps ignoré les alertes émises par les professionnels du crédit, la Banque de France a finalement consenti à un rafraîchissement mensuel (plutôt que trimestriel) du taux d’usure. Cet aménagement de bon sens devrait redonner une certaine fluidité à un marché qui était depuis l’été dernier en mode « stop and go ». En outre, ce revirement tardif consacre les courtiers comme interlocuteurs crédibles dans un rôle de vigie avancée sur le bon fonctionnement du marché du crédit.

Dans les conditions de marché actuelles - qui intègrent une anticipation d’atterrissage relativement rapide de l’inflation - on peut escompter que les taux de crédit poursuivront leur hausse à hauteur de 15 à 20 centièmes par mois avant de se stabiliser à un niveau compris entre 3,50% et 4% à l’horizon du mois de juin.

Pour autant, le marché du crédit restera soumis à un champ de contraintes particulièrement serré dans les mois qui viennent, tant sur le plan monétaire que réglementaire.

Ainsi, les banques européennes devront rembourser les lignes de refinancement octroyées par la Banque Centrale Européenne pendant la pandémie (« TLTRO III »), soit 1 400G€ d’ici à juin 2023 puis encore 900G€ dans les 18 mois suivants. Déconnecté de l’amortissement beaucoup plus lent des prêts octroyés aux entreprises pendant cette période, ce calendrier exerce une forte pression sur les trésoreries bancaires, les incitant à lever le pied sur la production de nouveaux crédits, tous segments confondus.

Par ailleurs, la dégradation de la solvabilité des ménages induite par la hausse des taux est inutilement aggravée par les normes d’octroi de crédit inadéquates imposées par le Haut Conseil à la Stabilité Financière. Le rationnement du crédit qui en découle a ainsi fait bondir le niveau d’apport personnel nécessaire à l’obtention d’un crédit, passé pour les primo-accédants de 45 000€ en 2020 à plus de 60 000€ fin 2022 (moyenne des crédits obtenus par CAFPI). Dès lors, plusieurs aménagements apparaissent nécessaires :

  • Le plafonnement à 35% du taux d’endettement gagnerait à être remplacé par la notion plus pertinente de « reste à vivre » sur laquelle les banques fondaient auparavant leurs décisions.
  • Concernant l’immobilier locatif, la prise en compte des loyers à percevoir mériterait d’être revue afin de tenir compte de leur caractère de revenu incrémental pouvant être intégralement affecté au remboursement du crédit.

Enfin, avec la loi Climat et Résilience, nous nous condamnons à sortir des centaines de milliers de logements du parc locatif. Améliorer le DPE d’un appartement de G à D nécessite le plus souvent des travaux de copropriété et, la contrainte de rénovation énergétique pesant exclusivement sur les investisseurs locatifs, réunir la majorité des copropriétaires n’est pas toujours possible. Cette pression sur le parc locatif est d’autant plus problématique qu’elle intervient au moment même où les conditions de crédit se sont drastiquement resserrées pour les candidats à l’accession à la propriété.

A la croisée des chemins, le sujet du logement et de son financement a plus que jamais besoin de politiques publiques cohérentes, répondant à une vision de long terme.

 

Tribune reprise dans le numéro de mars 2023 de Gestion de Fortune